Joachim H. Knoll

Nous attirons l’attention sur un autre anniversaire: celui de l’Institut de Pédagogie de l’UNESCO à Hambourg, qui fête ses 50 ans et avec lequel nous entretenons depuis longtemps une coopération et des relations fructueuses. Prof. Dr. Knoll, auteur de plusieurs articles dans notre revue, retrace le parcours de l’Institut. Prof. Dr. Knoll a occupé la Chaire d’Éducation des Adultes et d’Activités avec les Jeunes ayant abandonné l’École à l’Université de Bochum jusqu’à son départ en retraite en 1997. Il a été l’éditeur de l’Annuaire international d’Éducation des Adultes pendant 25 ans et est membre du conseil consultatif de l’IIZ/DVV.

De l'éducation pendant les loisirs à l'éducation permanente - L'Institut de l'UNESCO pour l'éducation fête ses 50 ans

L’Institut de l’UNESCO pour l’éducation (UIE) qui se trouve à Hambourg aura ces jours prochains 50 ans d’existence. Depuis 1951, il s’est forgé une réputation qui n’a fait que s’améliorer au travers de ses divers changements d’orientation programmatique. Les objectifs qu’il poursuit sont intimement liés aux tendances des différentes périodes en matière de pédagogie et de politique de l’éducation, et mettent particulièrement en relief les mutations de l’éducation et de la pédagogie au niveau international. Le titre de ce petit article indique peut-être déjà ce processus de transformation qui a fait de l’Institut de l’Unesco pour l’éducation LE centre de référence dans le domaine de l’éducation des adultes internationale et comparative, toujours conscient qu’au plan international sa fonction doit se situer entre la théorie et la pratique. Une conseillère invitée aida à la création de l’institut en 1951. Dans l’histoire de la pédagogie, cette femme symbolise deux choses: d’abord une conception de l’éducation et la pédagogie élargissant les limites de ces deux domaines et ensuite, une pédagogie qui n’exclut pas les défavorisés du progrès du monde et des sociétés, mais qui oppose résolument la philosophie de «l’intégration» à une existence à part. Avoir Maria Montessori comme marraine signifie certainement aussi se soumettre à l’obligation constante de s’occuper de ceux qui, du point de vue économique et sociopolitique, ne se trouvent pas du bon côté de la barrière. De ce fait, le choix de l’Institut de se consacrer à la pédagogie des pays en voie de développement devient plausible et par là l’importance que l’on y accordera pendant longtemps prioritairement, voire exclusivement à des projets et programmes d’alphabétisation. Les étapes de son évolution ont certainement aussi été marquées par ses directeurs (Merck, Robinsohn, Carelli, Dave, Bélanger, Ouane) qui ont contribué avec leurs différentes personnalités et convictions à modeler son profil durant les périodes plus ou moins prolongées qu’ils y ont passé. On savait certainement dès le départ qu’un institut implanté en Allemagne ne devait pas forcément se pencher sur les préoccupations de ce pays. L’IUE a toujours considéré les liens qui l’unissaient au programme de l’UNESCO comme un défi intellectuel et non comme une obligation contraignante.

L’IUE est tout d’abord un institut de recherche sui generis qui se consacre essentiellement à des projets axés sur la pratique. Ensuite, c’est un lieu de rencontre, qui était d’ailleurs déjà tout à fait prévu et conçu pour les échanges entre les systèmes du temps de la division Est-Ouest. Enfin, l’institut est également un centre de documentation, dont la quantité d’ouvrages et de documents croît de plus en plus et dont la recherche universitaire dans de nombreux länder ne peut déjà plus se passer quand elle se conçoit sur un plan international et comparatif de l’éducation et de la pédagogie.

La grande diversité des principaux champs d’activité, avec les publications et prestations de services qui y sont liées, a peut-être encouragé l’UNESCO à charger l’institut d’organiser la 5e Conférence internationale sur l’éducation des adultes (CONFINTEA V), ce qui lui a permis de renforcer sa réputation de lieu de recherche et de réalisation de projets dans le domaine de l’éducation permanente. Les résultats que nous a livrés cette conférence internationale (Agenda pour l’avenir, Déclaration de Hambourg), qui s’est déroulée en 1997 à Hambourg, sont loin d’être épuisés. Ses développements théoriques et pratiques sur l’éducation permanente sont des éléments essentiels, pratiquement pérennisés, qui accompagnent aujourd’hui au quotidien les activités de l’institut. Certes, nous ne devons pas considérer les conférences internationales hors de leurs contextes de développement politique et macroéconomique. Il ne s’agit pas de manifestations organisées sur le thème de la politique de l’éducation et de la pédagogie qui se dérouleraient dans un vase clos, elles contribuent à surmonter un peu les conflits et crises dans le monde. Les conférences internationales qui ont précédé celle de Hambourg ont de ce fait des profils et des thèmes principaux qui leur sont propres: Helsingör en 1948, Montréal en 1960, Tokyo en 1972, Paris en 1985, Hambourg en 1997. Ce rythme qui espace les conférences de douze ans semble avoir fait ses preuves et permet aux conférences internationales sur l’éducation des adultes de se distinguer de celles qui sont organisées à intervalles plus rapprochés; ce sont des événements utiles dans la pratique, qui présentent des missions susceptibles d’intéresser tous les pays membres nonobstant leur situation économique ou leur organisation politique.

Dans l’histoire de l’institut, et de l’UNESCO en général, la poursuite de l’objectif qui consistait pratiquement à réunir l’éducation des adultes et l’alphabétisation a probablement marqué une étape particulièrement féconde car les pays en voie de développement et les pays industrialisés se sont trouvés liés (quoique avec un certain décalage dans le temps) par un souci commun et par l’emploi de stratégies similaires. L’UNESCO a cessé relativement tôt de rêver et d’espérer pouvoir également être un instrument d’harmonisation culturelle axé sur une culture dans un monde. Aujourd’hui, cet euphémisme a été remplacé par l’idée de la diversité des peuples avec comme point commun une attitude civilisée et tolérante en matière de politique. Ceci ne veut bien sûr pas dire que l’on se dégage de toutes les utopies concrètes. «L’éradication de l’illettrisme» qui en fait partie a tout de même des chances de se réaliser même si cela ne se fait pas dans les proches délais ­plusieurs fois donnés par l’UNESCO.

Si nous partons des débats engendrés par le rapport Faure (1972) au début des années 70 et terminons avec celui de la Commission Delors publié à la fin du siècle dernier (1996/97), l’éducation des adultes, l’éducation de base et l’alphabétisation s’organisent aujourd’hui l’une à côté de l’autre en un réseau d’idées. Elles y sont souvent reliées les unes aux autres par la formule de l’éducation permanente à laquelle elles sont subordonnées. Pour chacun de ces trois principaux domaines d’activité de l’UNESCO on peut citer des articles, des ouvrages et des projets qui sont soit le fruit du travail de l’institut et de son personnel, soit le résultat de nombreuses coopérations. Il suffit de penser aux mesures prises à la suite de la CONFINTEA V qui laissait déjà entrevoir la perspective d’un concept de l’éducation permanente qui engloberait toutes les étapes et institutions de l’éducation auquel on ajouterait un concept de réalisation. Pensons aussi dans le contexte de l’alphabétisation à un projet de grande envergure mené de longue date et dont l’actualité repose surtout sur des stratégies et concepts nouveaux. Il en avait été question à l’occasion des congrès organisés l’année dernière à l’institut, par exemple lors du congrès international intitulé The Making of Literate Societies Revisited. Pensons également à une conception de l’éducation de base comprenant plus que des techniques culturelles formalisées, c’est-à-dire cherchant aussi à améliorer les formes de modes de vie et de participation des citoyens. Il faut ajouter à ce propos les congrès et publications sur l’éducation à l’environnement, l’éducation sanitaire (SIDA/VIH - stratégies de prévention) ou l’éducation civique.

Nous ne nous pencherons sur l’organisation et la structure de l’institut que dans la mesure où elles sont en même temps liées à certains de ses programmes et projets. Nous avons déjà dit que le profil de l’UIE était déterminé par les fonctions que lui attribuait l’UNESCO, mais aussi par son directeur. Je considère ici comme un avantage que, sauf durant les années qui suivirent directement la création de l’institut, le poste de directeur y ait toujours été occupé par des experts qui ne sont pas originaires d’Allemagne, ce qui empêche que l’on mette trop en relief le site d’implantation de l’UIE et permet de renforcer son orientation internationale intéressante.

Actuellement, l’institut se consacre entre autres choses à l’examen analytique de la conférence mondiale, ce qui est peut-être lié à l’engagement de son directeur dans ce domaine. En même temps toutefois, le regard de l’UIE se porte un peu plus sur les problèmes de l’Afrique, le continent oublié, et il place l’apprentissage en tant qu’échafaudage éducatif et pratique pour toute une vie au centre de ses préoccupations. La connaissance de l’allemand de l’actuel directeur lui est utile pour créer des liens avec les politiques de ce pays dans le domaine de l’Éducation et pour obtenir des ressources financières qui, pour une grande part, proviennent de moyens accordés par la ville libre et hanséatique de Hambourg et par la République fédérale allemande. Grâce à l’engagement des pays membres (principalement, semble-t-il, grâce à celui des pays scandinaves et du Canada), le nombre des contributions et missions de l’institut est en augmentation.

Les conférences générales de l’UNESCO ont toujours accordé à l’institut une priorité qui va croissant dans le domaine de la politique de l’éducation et à l’occasion de la conférence internationale on lui a assuré une augmentation de ses effectifs. Nous ne cacherons pas que tous ces projets bourgeonnants n’ont pas éclos. Le choix du personnel supplémentaire n’a pas été confié à la direction de l’institut, il semblerait plutôt qu’il ait été dicté de Paris. De ce fait, des projets que l’on ne pourrait intégrer que difficilement dans une philosophie à laquelle l’institut est subordonné ont également été transférés. Toutefois, ceci appartient désormais au passé.

Depuis, l’institut a élaboré un schéma qui s’articule autour de contenus et permet de donner au personnel une nouvelle motivation, en particulier grâce à la conception conjointe des activités.

Les activités programmatiques de l’institut s’organisent de manière relativement ouverte en quatre grands groupes. Cette articulation a deux objectifs: maintenir la souplesse des projets actuels et futurs tout en conférant à l’institut du point de vue des contenus une identité qui puisse englober tout son personnel. Les quatre groupes qui recouvrent de grands domaines de recherche et prouvent la continuité scientifique au sein de l’institut sont les suivants:

  1. Learning Throughout Life in Different Cultural Contexts: from Laying Foundations to Strengthening Creative Participation (Apprendre tout au long de la vie dans différents contextes culturels: des fondations au renforcement de la participation créatrice). Ce groupe comprend aussi les contributions apportées lors de grands évènements internationaux de la politique de l’éducation, comme celles qui sont fournies dans le cadre de la Conférence internationale sur l’éducation permanente qui s’est déroulée à Pékin en juillet 2001 ou dans le cadre du Global Dialog qui a eu lieu lors de l’EXPO 2000.
  2. CONFINTEA V et Dakar Follow-up. Ce groupe inclut les mesures prises à Hambourg et à Dakar à la suite de la CONFINTEA V dans un contexte plus large de la politique de l’éducation, à savoir que les résultats individuels d’abord liés aux conférences doivent devenir d’intérêt général et qu’il faut les faire connaître. Prenons ici l’exemple du modèle des Semaines de l’apprenant qui se déroulent maintenant dans différents systèmes et qui fascinent même les ­systèmes en cours de développement (ex. l’Albanie en septembre 2001).
  3. Capacity Building in and for Lifelong Learning (Développement de capacités dans l’éducation permanente et pour elle). Au moyen d’exemples pris individuellement, ce groupe examine les projets dans lesquels l’UNESCO pratique une aide qui dépasse les limites de l’éducation définie de manière restrictive. Ainsi, ces projets peuvent tout autant être consacrés à des domaines comme la prévention du SIDA/VIH qu’à des aspects de la construction et de la reconstruction de systèmes d’éducation des adultes dans des régions méridionales de l’Europe en pleine mutation (ex. le Kosovo).
  4. L’unité de travail est appelée Structured Advocacy: Networking, Documentation, Communication and Marketing (Travail de promotion structuré: réseaux, documentation, communication et marketing). Ceci s’applique en particulier à l’autoévaluation et au contrôle de la qualité des activités de l’institut, et donne une indication sur un segment de l’UIE qui répond quotidiennement au besoin d’informations existant dans toutes les régions où opère l’UNESCO et que seul un institut de ce type est capable de satisfaire. Le service de documentation ne se contente pas de réunir des publications qui paraissent dans le monde entier sur le thème de l’éducation des adultes/de la formation continue, il procède de manière systématique, c’est-à-dire selon un concept relatif aux thèmes principaux que recouvre le programme de l’institut. Depuis 1972 une bibliographie annotée sert en outre de guide dans les dédales des ouvrages publiés sur le thème de l’éducation permanente/de l’apprentissage tout au long de la vie.

La présentation de l’institut montre clairement que les projets réunis par groupes se situent de par leur forme à mi-chemin entre les sciences appliquées et une pratique reposant sur la science, en d’autres termes qu’ils cherchent l’éducation permanente tout autant dans des cas concrets que dans les utopies concrètes auxquelles sont entre autres liés des noms tels que Faure et Delors. Ainsi, l’UIE n’est donc pas uniquement un institut de recherche servant à poser certaines bases, c’est un prestataire de services qui permet aussi des échanges avec des personnes qui se consacrent à l’éducation des adultes dans différentes régions du monde et dans différents buts.

Les trois champs d’activité, l’éducation de base, l’éducation des adultes et l’alphabétisation, sont donc utilisés comme conception de recherche, ce qui soulève en même temps la question de leur réalité et de la praticabilité des modèles existants. Prenons un exemple: le travail ne consiste pas uniquement à procéder à un classement selon les catégories éducation des adultes formelle, non formelle et informelle, il expose clairement des faits avec cas à l’appui, par exemple avec celui du projet d’éducation non formelle au Maroc.

En outre, ce travail consiste aussi à examiner les résultats, les publications qui les accompagnent et surtout les publications grises avant de les rendre disponibles. Traduit en chiffres, il se résume en gros de la manière suivante: le centre de documentation de l’UIE couvre une vaste part de la littérature spécialisée; la bibliothèque abrite 64 000 ouvrages, documents et textes non publiés (les thèmes et missions principales de l’institut étant décisifs pour leur sélection); 260 revues et bulletins provenant de divers organismes de l’éducation des adultes et des sciences de l’éducation ont été présentés en 2000; 8000 exemples ont été rassemblés sur le thème de l’alphabétisation dans le cadre d’un projet, déjà mentionné à un autre propos. Il conviendrait peut-être de signaler ici qu’en ce qui concerne l’alphabétisation, les limites qui séparent l’éducation des adultes extra-scolaire et l’éducation des jeunes en milieu scolaire sont floues et que les textes développent en même temps d’autres sujets que l’éducation des adultes classique.

Actuellement, un réseau (Adult Learning Documentation and Information Services - Services de documentation et d’information sur l’éducation des adultes) est en cours de création. Sous l’acronyme ALADIN 89, il établit dans le monde entier des contacts entre des établissements d’éducation des adultes, des organismes scientifiques et des centres de documentation. Il est de ce fait en mesure de rassembler aux quatre coins de la planète des faits en rapport avec l’éducation permanente et l’apprentissage tout au long de la vie, qui sont pertinents dans le domaine de la politique de l’éducation. Un pool d’information est ici aussi en cours de création. Il conférera à l’institut la fonction de centre de documentation et d’information (clearing house) en matière d’éducation des adultes.

Il convient naturellement à ce propos de mentionner les publications de l’institut.

Depuis toujours, l’UNESCO s’est efforcée de faire connaître ses publications ou celles qui relèvent de sa responsabilité. De ce fait, les organisations internationales, donc pas seulement l’UNESCO, emploient des citations qui peuvent parfois donner l’impression qu’elles font de l’autoréférence, mais qui permettent en même temps, et plus particulièrement aux universités, de puiser dans une source supplémentaire de connaissances et d’informations dans le domaine de la politique de l’éducation. Ces références réciproques et enrichissantes sont maintenant courantes dans la recherche internationale comparative, ce qui tient au fait que de plus en plus, les scientifiques travaillant dans ce domaine parlent des langues étrangères. À l’UIE, 60 % des textes sont en anglais, ce qui exprime l’assentiment au choix d’une lingua franca et reflète en même temps l’importance de la recherche sur l’éducation des adultes dans les pays anglophones.

Il convient à ce propos de mentionner la revue International Review of Education éditée en plusieurs langues sous le patronage d’un comité de rédaction international. Tant en Allemagne qu’à l’étranger, elle a largement contribué à faire progresser la recherche comparative. La première conférence d’une importance décisive qui s’est tenue dans ce domaine s’est d’ailleurs déroulée en 1971 dans les locaux de l’UIE. Les grands maîtres dans cette discipline (de Bereday à King en passant par Noah et Eckstein) ont continué après cet événement à entretenir des relations avec l’institut. Les contacts avec la science, la politique de l’éducation et la pratique ne se traduisent pas, eux non plus, uniquement par une participation aux conférences ou des publications. À l’UIE, le contact humain a toujours été chez lui. Quand la science, en tant qu’acte d’information, sera non seulement le fruit de la raison, mais aussi celui du cœur, on pourra dire que le bon sens et la chaleur humaine ont toujours été présents dans les activités de l’UIE.

Adresse:

Institut de l’UNESCO pour l’éducation
Feldbrunnenstr. 58
20148 Hambourg

Téléphone: (040)4480410
Fax: (040) 4107723

E-mail: uie@unesco.org
Internet: http://www.unesco.org/education/uie

Voir: Annual report 1999-2000, édité par l’ UNESCO Institute of Education, Hambourg 2001

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