Interview avec Arne Carlsen, directeur de l’UIL

L’Institut de l’UNESCO pour l’apprentissage tout au long de la vie (UIL) implanté à Hambourg est un élément charnière essentiel entre les gouvernements et la société civile. L’une de ses nombreuses missions consiste à organiser les CONFINTEA, les conférences mondiales sur l’éducation des adultes qui se tiennent régulièrement tous les dix à douze ans sous l’égide de l’UNESCO. Il est aussi chargé de dresser un état des lieux de l’évolution mondiale et des progrès réalisés pour atteindre lesobjectifs de l’Éducation pour tous. Bien qu’il soit un organisme gouvernemental, l’UIL a comblé le fossé entre l’État et la société civile, et pour l’élaboration de ses plans et stratégies, il s’est toujours concerté avec le Conseil international d’éducation des adultes (CIEA), les associations régionales d’éducation des adultes et autres organisations non gouvernementales d’éducation des adultes. Arne Carlsen dirige l’UIL depuis juin 2011. Dans cette interview avec Éducation des adultes et développement, il raconte comment l’éducation des adultes est devenue sa vocation et comment il en a fait sa profession. Il exprime en outre ses points de vue concernant l’éducation des adultes et le rôle que l’UIL entend jouer pour la promouvoir.

L’éducation est un droit humain et universel et une responsabilité publique

Interview avec Arne Carlsen, directeur de l’UIL

EAD: Depuis juin 2011, vous êtes directeur de l’une des plus prestigieuses institutions internationales d’éducation au monde, l’Institut de l’UNESCO pour l’apprentissage tout au long de la vie (UIL), à Hambourg. Parlez-nous un peu de vous. Qu’est-ce qui vous a amené à travailler dans le domaine de l’éducation, et plus particulièrement dans celui de l’éducation des adultes?

Arne Carlsen: Très jeune, j’ai commencé à travailler en tant qu’éducateur dans le domaine de l’éducation carcérale pour adultes au danemark. Mon père, qui dirigeait l’une des écoles du soir pour adultes locales, avait organisé des activités éducatives pour les prisonniers dans les pénitencierspublics de ma ville natale. À 14 ans, j’ai commencé à jouer de l’orgue le dimanche matin dans l’église de la prison et àpartir de l’âge de 16 ans, j’ai donné chaque semaine des cours de musique aux membres du choeur de l’église.

 

Arne Carlsen
Source: UIL

Nous avons organisé des événements musicaux très populaires. J’ai ensuite continué à donner des cours à des réfugiés politiques et, parallèlement à mes études universitaires de philosophie et de français, j’ai donné des cours de sciences dans les écoles du soir locales et les associations de formation pour les sans-emploi; plus tard, j’ai enseigné le français à un public plus général. après avoir terminé mes études universitaires, je suis parti travailler comme enseignant à l’académie suédoise d’éducation populaire, conseil nordique du centre de développement et de formation d’éducateurs d’adultes mis en place conjointement par les ministres; je suis ensuite devenu secrétaire général du Conseil des universités populaires nordiques. Celui-ci était composé des associations d’universités populaires nationales des cinq pays nordiques, de même que du Groenland, des îles Féroé et des îles land. J’ai ensuite été recteur de l’académie pendant quatre ans. Quatre années au cours desquelles j’ai soutenu le développement de la société civile et de la citoyenneté démocratique active dans les pays Baltes et mis en place les académies d’été nordiques et baltes de six semaines pour les hauts fonctionnaires, les directeurs des départements universitaires d’éducation permanente et les dirigeants municipaux. C’est également de cette époque que datent mon engagement et mon soutien à la Commission européenne afin de passer de l’éducation permanente à l’apprentissage tout au long de la vie. ensuite, je me suis consacré de nouveau à la recherche. À l’institut national danois de recherche éducative, j’ai eu le plaisir de diriger une étude de recherche comparative sur le développement des politiques d’apprentissage tout au long de la vie dans les pays nordiques par rapport aux politiques de l’ue, de l’OCde et de l’UNESCO. l’institut a été transformé en université danoise d’éducation; j’ai alors été nommé vice-recteur pour l’éducation et responsable du programme universitaire de master professionnel, au sein duquel le programme de master en éducation des adultes occupait la place la plus importante. avant d’arriver à l’uil, je dirigeais le programme master européen erasmus Mundus en gestion de l’apprentissage tout au long de la vie: j’ai donc travaillé dans le domaine de la politique et de la gestion, en tant que directeur exécutif de l’alliance internationale des établissements d’éducation leaders dans le monde, et en tant que fondateur de l’aseM, sommet asie-europe éducation et recherche pour l’éducation tout au long de la vie.

J’ai ainsi suivi pendant longtemps un double parcours, travaillant à la fois comme praticien et chercheur puis, au cours des dernières années, comme gestionnaire, redoublant sans cesse d’efforts pour créer des forums d’échanges entre pratique, recherche et politiques en matière d’apprentissage tout au long de la vie.

EAD: Le directeur de l’UIL travaille sur la formation et l’éducation tout au long de la vie dans le monde entier. Pensez-vous qu’en tant qu’éducateurs, nous avons tous la même mission et sommes confrontés aux mêmes défis partout dans le monde, ou bien y a-t-il au contraire des différences qui influencent nos choix en matière de priorités et qui demandent des approches différentes?

Arne Carlsen: L’éducation joue un rôle clé dès lors qu’il s’agit de développer l’acquisition de savoirs, d’aptitudes et de compétences, partout dans le monde. dans tous les pays, elle est indispensable à la croissance économique, à l’épanouissement personnel, à l’inclusion sociale, à la citoyenneté active. l’éducation est un doit humain et universel, c’est une responsabilité publique. Je dirais même que les questions fondamentales en matière d’éducation sont universelles. Mais au niveau concret, ces questions s’inscrivent dans des contextes différents, de sorte que les approches et les priorités sont différentes. s’intéresser à l’alphabétisation en europe n’a pas la même signification qu’en afrique subsaharienne ou en asie, même si nous utilisons les mêmes mots, les mêmes termes et les mêmes concepts. le cadre institutionnel diffère lui aussi – certains pays ont des législations en matière d’éducation des adultes, d’autres non. Certains pays ont mis en place des stratégies nationales d’apprentissage tout au long de la vie, d’autres non. de sorte que nous pouvons discuter des mêmes sujets et nous comprendre, mais il est clair qu’un pays comme le Burkina Faso, qui a un taux d’alphabétisation de 28%, doit faire face à d’autres problèmes en matière de politique, de gouvernance, de financement, de participation et de qualité que des pays comme l’allemagne, l’autriche ou la suisse.

Les éducateurs d’adultes sont des enseignants, des conseillers d’orientation, des gestionnaires de ressources humaines, des élaborateurs de cursus, des guides de musées, des bibliothécaires, mais aussi les équipes qui font partie des instances institutionnelles ou organisationnelles, et je dirais que l’approche de tous ces éducateurs d’adultes, où qu’ils soient dans le monde, devrait consister à rencontrer l’apprenant adulte au niveau de l’apprenant adulte.

EAD: Votre institut a changé de nom. L’Institut d’éducation de l’UNESCO est devenu l’Institut de l’UNESCO pour l’apprentissage tout au long de la vie. Ce nouveau nom est le reflet d’un nouveau paradigme. Qu’est-ce qui a provoqué cette décision, dans quelle mesure cette nouvelle orientation a-t-elle eu une influence sur l’action pratique de l’Institut?

Arne Carlsen: en 2007, l’institut a été transformé: anciennement fondation de droit civil allemand, il est devenu un institut international de l’unesCO à part entière. un accord de siège a été négocié entre le gouvernement allemand, l’UNESCO et la ville libre et hanséatique de Hambourg, dans laquelle l’institut réside depuis 1952. la ville de Hambourg met aujourd’hui à la disposition de l’institut la villa albert Ballin, classée monument historique et située dans la Feldbrunnenstrasse.

Dans les années 1990, l’apprentissage tout au long de la vie a de plus en plus retenu l’attention des décideurs politiques; il a eu une incidence sur les programmes de toutes les organisations internationales qui traitent de politiques éducatives. Pour ce qui est de l’UNESCO, ceci s’est traduit par le rapport L’éducation, un trésor est caché dedansŸ publié en 1996. le changement de statut légal de l’institut reflétait également le nouveau discours en matière de politique éducative. l’éducation des adultes a dès lors été considérée comme un volet – et non des moindres – de l’apprentissage tout au long de la vie, étant donné qu’on est adulte la plus grandepartie de sa vie. À partir de ce moment, le mandat de l’institut a toujours été lié à l’alphabétisation et à l’éducation des adultes dans la perspective de l’apprentissage tout au long de la vie. Pour accomplir ce nouveau mandat, l’institut a regroupé ses activités en différents secteurs.

En 2012, l’uil a réaffirmé cette nouvelle orientation en organisant ses activités non plus en secteurs, mais sous forme de programmes. Programme alphabétisation et compétences de base, programme apprentissage et éducation des adultes, Programme Politiques et stratégies d’apprentissage tout au long de la vie. les bibliothécaires ont été associés afin de renforcer le rôle de l’uil en tant que centre d’information; sa Revue internationale d’éducationŸ publie plus souvent des articles sur la recherche en matière d’apprentissage tout au long de la vie.

L’uil a une position unique en son genre dans la mesure où, aux nations unies, il est la seule organisation à être investie d’un mandat d’appui à l’apprentissage tout au long de la vie. nous sommes fiers de dire que notre institut est considéré comme un réel trésor au sein de l’UNESCO et des nations unies. en tant que centre de ressources de l’unesCO sur l’apprentissage tout au long de la vie et grâce à ses vastes réseaux, l’uil mène et collecte des recherches pour plaider – et assurer le suivi des progrès réalisés – en faveur des efforts d’alphabétisation en tant que fondement de l’apprentissage tout au long de la vie, mais aussi pour plaider en faveur de la promotion et de l’amélioration de l’apprentissage et de l’éducation des jeunes et des adultes, qui sont partie intégrante de l’apprentissage tout au long de la vie.

EAD: D’un côté, les éducateurs d’adultes approuvent le fait que l’accent soit mis sur l’apprentissage tout au long de la vie, dans la mesure où il contribue à détourner l’attention portée beaucoup trop souvent aux secteurs de l’éducation formelle. De l’autre, ils sont préoccupés par le fait qu’en incluant l’éducation des adultes dans la catégorie exhaustive de l’apprentissage tout au long de la vieŸ, le secteur risque de perdre son profil distinctif et son identité. Que pense l’UIL de ce dilemme? L’éducation des adultes est-elle considérée comme un domaine à part entière, estelle reconnue en tant que telle?

Arne Carlsen: L’apprentissage des adultes et l’éducation des adultes sont les principaux piliers de l’apprentissage tout au long de la vie. néanmoins, ils représentent la part la moins institutionnalisée des systèmes éducatifs. l’éducation des adultes est largement reconnue en tant que domaine à part entière, mais on continue à privilégier l’éducation formelle par rapport à l’éducation non formelle. l’éducation des adultes est souvent considérée comme un moyen de proposer des cours complémentaires pour pallier les lacunes du système d’éducation formelle et offrir une seconde chance. dans de nombreux pays cependant, les organisations de la société civile proposent des offres d’apprentissage organisées lorsqu’il n’y a rien d’autre. Mais l’éducation des adultes est reconnue dans la majorité des pays, et dans certaines régions, elle joue un rôle très important dans les stratégies nationales et régionales d’apprentissage tout au long de la vie. Je ne vois là aucun dilemme, mais au contraire une possibilité de faire reconnaître, valider et accréditer l’apprentissage non formel de façon à ce qu’il contribue au parcours éducatif des gens et à leur développement professionnel.

Les Conférences internationales sur l’éducation des adultes (CONFINTEA) organisées par l’UNESCO sont d’importantes plates-formes en la matière. nous espérons sincèrement qu’avec le suivi de la COnFinTea vi, l’heure est venue de mettre en pratique les politiques, d’autant que de nombreuses régions ont déjà commencé.

EAD: Pourquoi, dans les campagnes mondiales pour l’éducation, l’éducation des adultes n’a-t-elle pas été définie comme un secteur prioritaire doté de son propre éventail d’objectifs demandant à être officiellement considérés comme politiquement contraignants pour tous les gouvernements?

Arne Carlsen: l’éducation des adultes est rarement intégrée dans les politiques et les réformes éducatives nationales, et il existe de profonds écarts entre les politiques et leur mise en ¶uvre proprement dite. la coopération interministérielle est pratiquement inexistante, les rapports entre les divers types d’éducation (formelle et non formelle), mais aussi entre l’éducation et les autres secteurs, ne sont pas suffisamment développés. les programmes d’éducation des adultes répondent mal aux besoins des personnes les plus vulnérables et les plus marginalisées. le plus grand obstacle au développement de l’éducation des adultes dans le cadre de l’apprentissage tout au long de la vie est le manque de fonds, de sorte que les offres sont en quantité insuffisante et les opportunités d’apprentissage pour les jeunes et les adultes qui ont quitté l’école d’une qualité inadéquate. l’évaluation du travail de l’uil sur les réalités éducatives au niveau national reste un défi, dans la mesure où il est difficile de démontrer le rapport clair et immédiat entre les résultats de la recherche et leur application dans les politiques et la pratique.

Mais l’éducation des adultes fait partie des campagnes mondiales. il existe au sein de l’UNESCO un instrument juridique en matière d’éducation des adultes: il s’agit de la recommandation de nairobi sur le développement de l’éducation des adultes, qui date de 1972. la 36e conférence générale de 2011 a approuvé une décision qui permet de réaliser le suivi de cette recommandation dans le cadre du suivi de la CONFINTEA; l’uil est en train de mettre en place un groupe d’experts dans le but d’analyser s’il est souhaitable ou non de mettre à jour la recommandation proprement dite.

L’initiative de l’éducation pour tous s’est fixé six objectifs, dont deux au moins mettent l’éducation des adultes à l’ordre du jour. n°3: répondre aux besoins éducatifs de tous les jeunes et de tous les adultes en assurant un accès équitable à des programmes adéquats ayant pour objet l’acquisition de connaissances ainsi que de compétences nécessaires dans la vie courante. et n°4: améliorer de 50% les niveaux d’alphabétisation des adultes, et notamment des femmes, d’ici à 2015, et assurer à tous les adultes un accès équitable aux programmes d’éducation de base et d’éducation permanente.

Les conférences mondiales de l’UNESCO sur l’éducation des adultes, COnFinTea, organisées tous les 12 ans, ont elles aussi l’éducation des adultes à l’ordre du jour. de grands efforts sont consentis pour assurer le suivi de la COnFinTea vi, organisée il y a un an et demi au Brésil: bulletin de suivi, portail COnFinTea, bourses et stages de recherche CONFINTEA, réunions et conférences de suivi nationales et régionales. en europe, la conférence de suivi de la COnFinTea vi aura lieu en 2013.

EAD: Dans les années à venir, sur quels domaines l’UIL mettra-t-il l’accent ?

Arne Carlsen: l’uil va déployer tous ses efforts pour devenir le centre mondial d’excellence pour l’apprentissage tout au long de la vie. nous mettrons l’accent sur le plaidoyer, la recherche, le renforcement des capacités et le réseautage dans trois domaines: alphabétisation et compétences de base, apprentissage et éducation des adultes, politiques et stratégies d’apprentissage tout au long de la vie. l’afrique et l’égalité entre les sexes seront les deux priorités, mais l’uil s’efforcera de développer deux ou trois grands projets avec chacune des cinq régions du monde.

Ceci implique un renforcement des capacités de recherche de l’uil en créant des partenariats avec les réseaux de recherche existants et avec les programmes éducatifs internationaux. l’uil compte multiplier ses offres de renforcement des capacités sous forme de modules éducatifs en coopération avec les organismes d’agrément; il compte également parfaire le niveau de sa Revue internationale d’éducation. Il utilisera son approche sectorielle en matière d’apprentissage tout au long de la vie dans ses partenariats avec d’autres organismes des nationsunies: OMs, OiT, etc.

Afin d’encourager le développement de politiques et de stratégies d’apprentissage tout au long de la vie, l’uil développera les directives de l’UNESCO pour la reconnaissance, la validation et l’accréditation des résultats d’apprentissage non formel et informel.

L’uil renforcera également les capacités nationales en matière de planification, de mise en oeuvre, de gestion et d’intensification des programmes d’alphabétisation de bonne qualité dans le but d’atteindre les objectifs d’alphabétisation nationaux et mondiaux.

Dans le contexte du suivi mondial de la CONFINTEA vi, l’uil continuera de promouvoir les offres d’apprentissage et d’éducation des adultes favorisant l’égalité des sexes en renforçant les capacités en matière de politique sectorielle, de programmes de qualité, de gouvernance améliorée, de participation accrue, de financement et de création de partenariats. l’institut donnera la priorité aux états membres africains et encouragera le développement des capacités des gouvernements et de la société civile dans ses domaines spécialisés, le but étant d’accélérer le processus de réalisation des objectifs de l’EPT.

Les travaux préparatoires de la COnFinTea vi ont entraîné la publication du premier rapport mondial sur l’apprentissage et l’éducation des adultes (Grale). À la fois document de référence et outil de plaidoyer, il est également conçu pour être le précurseur de toute une série de rapports qui seront élaborés conformément aux recommandations formulées par les états membres lors de la CONFINTEA vi. le prochain Grale doit être publié en décembre 2012.

EAD: De quelle manière concevez-vous le rôle de société civile et des organisations non-gouvernementales dans les stratégies éducatives de l’UNESCO?

Arne Carlsen: l’UNESCO est une organisation intergouvernementale, mais les partenariats que vous évoquez sont effectivement en train de prendre une place cruciale dans les stratégies éducatives de l’UNESCO. Cette dernière reconnaît que, pour répondre de manière adéquate aux défis sectoriels complexes, il faut mettre en place des partenariats à la fois vastes et stratégiques qui dépassent les partenariats traditionnels – états membres, organes des nations unies, organisations partenaires de l’EPT, organismes bilatéraux et multilatéraux – et engagent avec plus de détermination la société civile, les organisations communautaires et religieuses, le secteur privé et les donateurs émergeants. l’uil pour sa part, associe depuis longtemps la société civile et les ONG à ses activités.

EAD: En tant que Danois fort probablement élevé dans la tradition de Grundtvig, que pensez-vous du fait que les politiques publiques ont tendance à réduire l’éducation des adultes à un moyen d’améliorer l’employabilité?

Arne Carlsen: On estime que chaque année de plus consacrée à l’éducation de la population adulte entraîne un accroissement de 3,7% de la croissance économique à long terme, et de 6% du revenu par tête. néanmoins, l’apprentissage et l’éducation des adultes sont bien plus qu’une cause sociale ou un simple poste budgétaire; il est par conséquent hors de question de les réduire à un facteur d’amélioration de l’employabilité.

Sans contester le fait que l’apprentissage et l’éducation des adultes soient nécessaires au développement économique, l’unesCO regarde au-delà du simple facteur économique. l’organisation souligne le besoin de promouvoir clairement les valeurs humaines telles que la paix, la démocratie, la tolérance, le respect des autres, la compréhension interculturelle et la durabilité. l’unesCO vise à promouvoir une vision dans laquelle chaque citoyen a un accès équitable à une éducation de qualité et à un apprentissage efficace à l’aide de moyens multiples, le but étant de répondre à ses besoins d’apprentissage tout au long de la vie et de faciliter l’acquisition de savoirs, d’aptitudes et de compétences correspondant à son développement individuel et à celui des collectivités dans lesquelles il vit: sa famille, sa communauté, son pays, le monde entier.

EAD: Les financements publics alloués à l’éducation des adultes sont-ils encore justifiés en cette époque de contraintes budgétaires, ou bien devrait-on au contraire laisser l’initiative et la responsabilité aux apprenants?

Arne Carlsen: Oui, les financements publics sont encore justifiés, d’autant plus dans le monde actuel, parce que l’accès aux offres éducatives permet à l’individu de gérer les problèmes auxquels il est confronté: développement économique alarmant, transformation de la société, changement climatique, paix et sécurité. Même si les gouvernements restent encore les principaux prestataires, d’autres parties prenantes s’engagent de manière très claire dans certains domaines: alphabétisation de base et formation professionnelle, conscientisation en matière de santé, de droits des femmes et d’égalité entre les sexes. Ces prestations, souvent financées par les OnG, sont plus flexibles et ont une portée plus vaste.

EAD: Le prochain Rapport mondial de suivi sera consacré à l’acquisition de compétences nécessaires dans la vie courante. Le Rapport prendra-t-il en compte les résultats de l’éducation des adultes et de l’apprentissage non formel et informel?

Arne Carlsen: Le RMS 2012, articulé autour du thème: Jeunesse, compétences et travail, se concentrera sur le rôle de la formation technique et professionnelle, mais aussi d’autres types de formation, dans la création d’opportunités pour les groupes marginalisés; il mettra en évidence les liens avec des problèmes plus vastes tels que le chômage des jeunes et les bas salaires. le rapport explorera les approches de politiques publiques permettant d’ouvrir les formations axées sur l’emploi aux groupes vulnérables: personnes ayant abandonné l’école prématurément, jeunes adultes n’ayant jamais été scolarisés, personnes ayant quitté l’école sans avoir acquis les compétences cognitives ou utiles dans la vie courante qui leur permettraient de s’épanouir dans des sociétés alphabétisées. il examinera également les moyens grâce auxquels les programmes de seconde chanceŸ peuvent redonner aux jeunes l’accès à l’éducation et à l’emploi.

Le rapport sera consacré entre autres aux questions suivantes: les systèmes d’éducation et de formation initiale donnent-ils aux apprenants les compétences requises par les marchés du travail? Y a-t-il un nombre suffisant d’offres d’éducation et de formation continue? Qui doit proposer ces programmes, qui doit les payer? Comment les programmes d’apprentissage non formel peuvent-ils compléter les offres d’apprentissage formel, comment évaluer et certifier les compétences acquises? Quelles autres politiques sont requises si l’on veut que les programmes de formation professionnelle contribuent à endiguer les niveaux élevés de chômage?

EAD: Le but des cadres de certification est de rendre comparables et compatibles les résultats et les normes d’apprentissage. D’après vous, quels progrès, si toutefois progrès il y a, ont été faits pour mesurer avec succès les compétences acquises de manière informelle?

Arne Carlsen: il est généralement reconnu que l’éducation formelle ne peut fournir qu’une partie des compétences dont les gens ont besoin. Ceci explique le besoin de reconnaître les compétences acquises autre part, dans le cadre de l’éducation non formelle et informelle. les cadres de certification basés sur les résultats d’apprentissage sont un instrument important qui permet de décrire les compétences et d’améliorer à la fois la mobilité et l’apprentissage tout au long de la vie.

L’union européenne a développé un cadre commun de référence – le Cadre européen des certifications pour l’éducation et la formation tout au long de la vie (CEC) – grâce auquel les organismes éducatifs, les employeurs et les personnes peuvent comparer les qualifications dans les divers systèmes européens d’éducation et de formation. Ce cadre encourage les pays à établir une correspondance entre leurs systèmes de certification nationaux et le CeC, de sorte qu’à partir de 2012, l’ensemble de leurs certificats devront faire mention du niveau correspondant du CeC. À cet effet, des points de coordination nationaux ont été désignés dans chacun des pays.

l’OCDE met actuellement en oeuvre le Programme d’évaluation internationale des compétences des adultes (PIAAC), autrement dit l’intérêt, l’attitude et les capacités dont font preuve les personnes pour bien utiliser les outils socioculturels, y compris les technologies numériques et les outils de communication, afin d’accéder à l’information, de la gérer, de l’assimiler et de l’évaluer, de construire de nouveaux savoirs et de communiquer avec autrui.

En outre, le PIAAC recueille des éléments d’information auprès de répondants concernant l’utilisation qu’ils font des compétences professionnelles de base dans l’exercice de leur emploi. les résultats de cette étude devraient être publiés en 2013.

À mon avis, un autre progrès significatif est un projet coordonné par l’uil, qui consiste à mesurer les résultats d’apprentissage de participants à des programmes d’alphabétisation au sénégal, au niger, au Mali, au Burkina Faso et au Maroc. nous constaterons les progrès concrets réalisés dans les prochaines années.

EAD: Dans le monde entier, l’éducation des adultes doit se battre pour être considérée comme une priorité des politiques éducatives et obtenir des financements adéquats. Comment ce secteur peut-il démontrer de manière plus efficace ses résultats et les avantages qu’il représente pour les apprenants et la société tout entière?

Arne Carlsen: dans le contexte européen, je recommanderais de soutenir la recherche secondaire sur les résultats de l’enquête sur l’éducation des adultes menée par la Commission européenne, de participer activement au PIAAC et aux activités de suivi de la CONFINTEA VI. La sixième Conférence internationale sur l’éducation des adultes (CONFINTEA VI),Vivre et apprendre pour un futur viable: l’importance de l’éducation des adultes organisée à Belém, Brésil, en décembre 2009, a représenté une importante plateforme pour le dialogue politique et le plaidoyer sur l’éducation des adultes et l’éducation non formelle au niveau mondial. l’objectif primordial de CONFINTEA VI consistait à harmoniser l’apprentissage et l’éducation des adultes avec les autres programmes internationaux d’éducation et de développement, d’une part, et à les intégrer aux stratégies sectorielles des pays d’autre part.

Le Cadre d’action de Belém – document final adopté à la COnFinTea vi – témoigne du consensus et de la volonté de la communauté internationale de définir une nouvelle orientation de son action en faveur de l’apprentissage des adultes, en s’engageant à faire avancer, dans un sentiment d’urgence et à un rythme accéléré, le programme d’apprentissage et d’éducation des adultes. Le succès de son suivi est à présent à portée de main. L’UIL publiera en outre la seconde édition du Rapport mondial sur l’apprentissage et l’éducation des adultes (GRALE), prévue pour 2012 et consacrée à l’alphabétisation des adultes. Comme je l’ai mentionné plus haut, cette publication servira à la fois de document de référence et d’outil de plaidoyer.

EAD: Au fil des années, l’UIL et DVV International ont coopéré dans le cadre d’initiatives
aussi nombreuses que diverses. Comment concevez-vous le futur de ce
partenariat?


Arne Carlsen: En effet, la DVV et l’UIL ont coopéré pendant longtemps dans
le cadre d’un partenariat très confiant. Je leur en suis vivement reconnaissant
et j’espère que notre coopération future se déroulera dans le même climat de
confiance, afin que nous puissions promouvoir l’apprentissage et l’éducation des
adultes, l’alphabétisation des adultes et les compétences de base, l’apprentissage
tout au long de la vie en tant que cadre sectoriel et intégré. L’apprentissage et
l’éducation des adultes n’ont rien perdu de leur importance, ni dans les pays en
développement, ni dans les pays développés.

UIL Hambourg                                                                                           Source: UIL

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